Prévenir les risques professionnels des projets de réorganisation : l’Etude d’Impact

Réorganisation et prévention des risques
professionnels : l’impossible conciliation ?
Pourquoi les questions relatives à la prévention des risques professionnels et les enjeux en matière de santé et de sécurité au travail ne s’inscrivent pas naturellement dans la conception des projets de réorganisation des entreprises ? D'autant que ces derniers, lorsqu'ils ont des conséquences sur les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, doivent faire l'objet d'une information consultation du CSE.
Notre longue expérience dans l’expertise de projets de réorganisation nous a, en effet, conduits à faire le constat qu’en la matière les situations sont très hétérogènes. Dans certains cas, ces questions ne sont mêmes pas abordées. Dans d’autres cas, une évaluation quantitative de la charge de travail future a été réalisée pour justifier le redéploiement d’un nombre de postes. Exceptionnellement, ces projets peuvent s’appuyer sur des études qui envisagent les futurs investissements comme un moyen de réduire le nombre d’accidents du travail, le risque TMS ou encore le niveau d’absentéisme.
On n’oublie trop souvent qu’un projet de réorganisation peut être – et même doit être selon les principes généraux de prévention du code du travail – conçu comme un outil d’amélioration des conditions de travail. Les objectifs du projet - nouvel investissement technique, déploiement d’une nouvelle activité ou encore amélioration de l’organisation (nouveaux horaires de travail, modification des organigrammes, réorganisation d’un service, développement de la polyvalence, création de nouvelles tâches, etc.) – permettent alors d’adapter l’organisation du travail pour supprimer ou réduire des risques professionnels objectivement identifiés au périmètre d’un établissement, de plusieurs services ou encore d’une équipe.
Si les projets de réorganisation qui ont pour objectif une action volontariste et exclusive de réduction des risques professionnels ou de résolution de problèmes organisationnels impactant la santé des salariés sont rares, il est pourtant aisé d’aborder les dimensions sociales d’un projet parallèlement aux arguments économiques et techniques. Il est surtout nécessaire de le faire pour éviter les effets néfastes, que nous observons fréquemment à moyen ou long terme, quand la conduite de projet a fait l’impasse sur ces questions. Une réorganisation mal préparée peut dégrader de manière rapide les conditions de travail des salariés impactés (surcharge de travail, inadéquation poste/compétence, segmentation des tâches empêchant la réalisation du travail, augmentation des cadences de travail, perte de sens du travail, sentiment de faire du travail de moindre qualité, etc.).
Comment inverser la tendance ?
Une démarche structurée autour de quatre thématiques
Comment, dès lors, intégrer à un projet de réorganisation la question de la prévention des risques professionnels sans que celle-ci ne soit limitée à la prise en compte des inquiétudes exprimées par les salariés face au changement, au sentiment d’insécurité qu’il génère et par extension à la problématique des risques psychosociaux ?
Notre compétence dans l’analyse des projets de réorganisation nous a amenés à identifier quatre grandes problématiques grâce auxquelles nous pouvons vous aider à anticiper de manière rigoureuse les conséquences potentielles d’un projet de réorganisation sur le travail, son organisation et les conditions de travail des salariés.
Attacher de l’importance au processus de conduite du projet
Il y a, d’abord, la manière dont est conçu le projet de réorganisation qui importe, tant sur la forme (exhaustivité et qualité des informations délivrées dans les documents et notamment dans un document projet dédié aux questions de santé et de sécurité au travail) que sur le fond. Cela peut favoriser une véritable prise en compte du travail réel :
- Comment éviter une conception descendante du travail et la construction de l’organisation future « par le haut » ? En quoi est-il important de s’appuyer sur le fonctionnement des services, sur les équipes et leurs responsables de proximité, sur les métiers concernés ? En quoi l’absence d’implication des salariés conduit à une impasse en terme de compréhension de ce que sont les contraintes de l’activité de travail ?
- Comment éviter une posture de prévention a posteriori, c’est-à-dire comment éviter de repousser l’évaluation des risques lors de la mise en œuvre d’un projet ? Comment éviter de faire reposer cette prévention sur des ajustements organisationnels qui se révéleraient nécessaires à l’usage ? Bien souvent dans ces cas de figure, les salariés « prennent sur eux » pour faire face aux dysfonctionnements organisationnels récurrents et entrent ainsi dans une phase de résistance au stress voire connaissent un épuisement pouvant déboucher sur des sorties pathologiques. Pour éviter cela, il convient de s’interroger sur la manière de construire une démarche soucieuse d’une prévention primaire des risques professionnels en anticipant un certain nombre de problématiques comme la surcharge de travail, la réduction des marges de manœuvre, la dégradation du fonctionnement des collectifs de travail, l’imprécision des tâches et des responsabilités de chacun ou encore des problèmes d’incohérence organisationnelle.
- Comment intégrer la temporalité des risques professionnels : du début de la mise en œuvre d’un projet à sa finalisation en passant par une période transitoire souvent sensible pour les salariés ?
Réaliser un diagnostic organisationnel pour replacer l’organisation du travail au cœur du projet
Il importe également de réaliser en parallèle un diagnostic organisationnel qui permette de prendre la mesure précise des changements qui interviendront entre l’organisation actuelle et l’organisation cible. La précision des analyses devrait concerner :
- L’évaluation des charges de travail futures par rapport aux charges de travail actuelles (que ce soit d’un point quantitatif ou que ce soit d’un point de vue qualitatif). Pour ce faire, nous pouvons vous proposer la réalisation d'un diagnostic RPS par questionnaires.
- La description des postes actuels et celle des postes futurs : études des postes impactés et évaluation de la variabilité de leur travail, mise à plat de la division du travail et de la répartition initiale des tâches, conditions de modification future des activités du point de vue du travail réel : à quels types de tâches précises renvoie l’introduction d’une nouvelle activité, quelles sont les tâches réaffectées, transférées ou qui deviendront orphelines ? Etc.
- L’impact concret de l’évolution des objectifs stratégiques de l’entreprise sur l’intensité, les rythmes de travail des équipes et leur périmètre de travail.
- Les évolutions dans les modes de coopération entre équipes et dans les interfaces entre services.
Prévenir une dégradation des conditions de travail
Il importe que cette problématique soit anticipée en s’appuyant notamment sur le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels afin que les situations de travail exposantes pour la santé et la sécurité des salariés soient prises en compte au cas par cas des postes de travail en fonction des sources potentielles de danger. Il convient d’être encore plus vigilant dans deux cas de figure :
- Les projets dont les modifications organisationnelles peuvent entrainer des ruptures professionnelles du fait d’un écart substantiel entre l’organisation actuelle et l’organisation future (suppression d’activité, réduction des effectifs, redéploiement des postes, changement de métiers, élargissement des périmètres de travail, nouvelle activité, etc.), la mise en œuvre de ces projets représentant en soi un facteur de risque psychosocial : insécurité liée à l’inadaptation du changement professionnel (modification du contenu du poste, changement de métier, nouvelles compétences requises, augmentation des contraintes physiques et/ou mentales, mobilité fonctionnelle et/ou géographique subie, modification des horaires de travail, etc.), crainte de ne pas réussir à conserver son poste, risque de démobilisation professionnelle, etc.
- Les projets dont le périmètre concerne des métiers présentant des risques professionnels spécifiques et pour lesquels il convient de s’assurer de l’adaptation de l’organisation cible aux dangers auxquels sont exposés les salariés : postes isolés, à risques physiques, toxiques, explosifs, en relation avec le public, etc. De même, il importe d’anticiper les demandes de mobilité du personnel expérimenté et habilité à ces postes afin de prévoir les conditions de leur remplacement et un temps de recouvrement suffisant pour acquérir les savoir-faire de prudence qui sont nécessaires à la tenue de ces postes.
Intégrer au projet la problématique de la sécurisation des parcours et des changements professionnels
Dans un certain nombre de cas, les projets de réorganisation soulèvent des problématiques qui dépassent le seul périmètre de l’organisation impactée par le projet et nécessitent de prendre en compte les trajectoires professionnelles des salariés. Là encore, les anticiper permet de suivre une démarche de prévention des risques professionnels. Par exemple :
- Quels sont les changements potentiels des différents postes impactés par le projet (les évolutions d’intitulés de poste ne permettant pas de se faire un idée exacte de ces changements) afin de connaître les compétences qui seront attendues dans l’organisation future ? En cas d’introduction d’une nouvelle activité sur un poste ou de mobilité fonctionnelle entrainant un changement de poste, il convient d’expliciter le détail des tâches et des compétences nécessaires.
- Quel dispositif de formation et d’accompagnement est-il prévu pour réduire, autant que possible, les risques d’inadéquation entre le poste et les compétences qui pourraient se manifester à l’issue des changements professionnels ?
Notre expertise de plusieurs années dans l’analyse de projets de réorganisation de tous secteurs d’activité et de toutes natures nous permet de vous accompagner aux différentes étapes de l’analyse des projets de réorganisation.